Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/614

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ce verset est profondément empreint des préjugés juifs. Je ne le comprends plus, s’il a été écrit vers l’an 130 ou 150 dans la fraction du christianisme la plus détachée du judaïsme. Le v. 35 est exactement dans le style des synoptiques et des vraies paroles de Jésus. Reste le mot splendide (v. 21-23, en omettant 22). Il n’y a pas d’authenticité rigoureuse pour de tels mots. Comment admettre que Jésus ou la Samaritaine aient raconté la conversation qu’ils avaient eue ensemble ? La manière de narrer des Orientaux est essentiellement anecdotique ; tout se traduit pour eux en faits précis et palpables. Nos phrases générales exprimant une tendance, un état général, leur sont inconnues. C’est donc ici une anecdote qu’il ne faut pas admettre plus à la lettre que toutes les anecdotes de l’histoire. Mais l’anecdote a souvent sa vérité. Si Jésus n’a jamais prononcé ce mot divin, le mot n’en est pas moins de lui, le mot n’eût pas existé sans lui. Je sais que, dans les synoptiques, il y a souvent des principes tout contraires, des circonstances où Jésus traite les non-juifs avec beaucoup de dureté. Mais il y en a d’autres aussi où l’esprit de largeur qui règne en ce chapitre de Jean se retrouve[1]. Il faut choisir. C’est dans ces derniers passages que je vois la vraie pensée de Jésus. Les autres sont, selon moi, des taches, des lapsus provenant de disciples médiocrement capables de comprendre leur maître et trahissant sa pensée.

§ 11. Les v. 43-45 du ch. iv ont quelque chose qui étonne. L’auteur veut que ce soit à Jérusalem, à l’époque des fêtes, que Jésus ait fait ses grandes démonstrations.

  1. Matth., viii, 11 et suiv. ; xxi, 43 ; xxii, 1 et suiv. ; xxiv, 14 ; xxviii, 19 ; Marc, xiii, 10 ; xvi, 15 ; Luc, iv, 26 ; xxiv, 47.