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BUCOLIQUES



Le Radeau.



PIERRE qui prend racine sur la plage, a mis son costume neuf et des bottines vernies. Il regarde un radeau balancé par la mer : il en suit des yeux l’ondulation légère, et se dit :

— Voilà où je m’amuserais comme un roi.

Mais le radeau est trop loin, la mer trop profonde, et Pierre, inutilement, quitterait ses belles bottines, retrousserait sa culotte qu’il ne faut pas mouiller.

L’œil captif du radeau, comme un hanneton au bout d’un fil, il refuse de s’en aller. Il fait la moue, s’exaspère, et s’il retient ses larmes, c’est à cause de la solitude, où personne ne le verrait pleurer.

Il ne peut que désirer de toutes ses forces et attendre.

Longtemps rien n’arrive.