Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/160

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nait plus. Comme Levraut s’approchait, il lui adressa seulement un coup de pied, incapable de recommencer la discussion. Le chien para en rompant. Toutefois, le coup de pied ne fut pas entièrement inutile, car une grosse motte de neige boueuse se détacha du soulier, vola lourdement dans l’air, comme un vilain oiseau sale, retomba, s’écrasa, s’émietta, et M. Mignan éprouva momentanément une sensation de légèreté et de bien-être qui le surprit. Mis en train, il donna de l’autre pied un autre coup, cette fois sans intention méchante et simplement pour se débarrasser de l’autre motte. Puis, le fusil en bandoulière, les mains dans ses poches, les épaules rondes sous la chute lente de la neige endormie et endormante, il continua de regarder le canard, vaguement sollicité par de multiples desseins.

En cet endroit, la rivière, profonde jusqu’au genou à peine, courait sur des cailloux plats et blancs, et à son murmure doux de glou-glou de bouteille, çà et là, une pierre pointue qui perçait l’eau ajoutait la convulsion d’un