Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/164

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Allons, lâche ça tout de suite et viens ici !

Levraut, dévoué, comprenait l’impatience de son maître et redoublait d’efforts.

— Si tu t’amuses, dit M. Mignan, reste ; j’ai le temps. Au moins, tu te seras lavé.

Il s’assit, goguenard, observa son chien et s’aperçut que l’affaire tournait mal. Levraut se fatiguait visiblement. Parfois, il « buvait » avec un grognement sourd. Opiniâtre, il serrait toujours le morceau de bois entre ses dents. Il donnait de violents coups de tête dans le vide. Ses pattes, gênées par la corde de la nasse, par les herbes, battaient l’eau, blanche d’écume. Bientôt il n’en pourrait plus. La « bonne bête » mourrait victime du devoir.

— Fichu, mon chien ! pensa M. Mignan déjà bouleversé.

Il lui adressa des prières, des injures, lui dit qu’il n’avait jamais vu un chien aussi stupide.

— Et c’est ma faute ! me voilà propre : je noie mon chien, afin de le baigner, moi !

Espérant lui faire lâcher sa proie fatale