Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/171

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— Ah ! la campagne, il n’y a que ça !

Mais la figure de Pajol s’embrume. Dans un coin de l’écurie, cinq petites taures sont rangées à part.

— On les croirait en pénitence.

— Vous ne mentez pas, dit Pajol. Elles ont fauté avec le taureau, dans le pré Sauvin.

— Si jeunes, dis-je ; il n’y a plus d’enfants !

Les taures, comme des maîtresses lassés, tournent leurs yeux stupides vers leur ventre bombé, effarées de sentir se préparer l’événement.

— Ah ! c’est un malheur, dit Pajol. D’abord, les voilà abîmées pour la vie. Puis, elles feront des veaux gentils, ma foi, des pruneaux de veaux, qu’il faudra vendre, donner tout de suite au boucher, s’il en veut.

Il les déplace, ennuyé, les gourmande et les traite de libertines.

Je colle mon oreille au flanc d’une taure et j’entends bouger « l’héritier ». La taure-mère, la respiration anhéleuse, penche sa tête.