Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sotte histoire réjouirait le régiment, le colonel, des généraux peut-être !

De retour à la caserne, il affecta l’insouciance, regretta son emportement et s’avoua imbécile. Bon enfant, il pardonnait, et il se moqua le premier de ses pommettes rouges, sanglantes, débarbouillées frénétiquement, comme raclées à la pierre ponce.

— Allons, c’est fini, dit-il. Qu’il se dénonce et je lui paie un litre d’eau-de-vie. Voilà ma main.

Les soldats défiants ne répondirent pas.

Il en prit un à part, celui qui avait les plus fortes oreilles, la plus grande bouche, la plus animale apparence et l’emmena à la cantine. Il rusa, feignit de parler d’autre chose, et tandis que les bouteilles se rangeaient sur la table comme de courtes dames arrêtées qui écoutent, il le conduisit sournoisement au bord d’une confidence. Mais arrivé là, l’homme poilu, égal aux bêtes par l’instinct, se tapa le crâne, se dressa, dit : « Merci, ma vieille, » et s’en alla, impénétrable.