Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/215

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confusion des fleurs amena celle des torts. Dès que l’une en avouait un, l’autre promptement s’en repentait. Après se les être distribués, elles se les arrachèrent, et la Morvande fit tant pour n’en pas laisser un seul à la Gagnarde que celle-ci dépouillée, honteuse et comme toute nue, sentit ses yeux se mouiller.

— Est-on niais, par moments ! dit-elle.

La Morvande répondit, désireuse de se décharger un peu des torts accaparés :

— Nos maris sont plus imbéciles que nous. C’est pourtant vrai qu’ils l’ont bâti, leur mur.

— Alors, dit la Gagnarde, quand on voudra se voir, il faudra en faire le tour, par là-bas.

Et bien que « là-bas » fût à une portée de jambe, la Gagnarde indiquait l’horizon.

— Comme si c’était sérieux, dit la Morvande. On se dispute parce qu’on s’aime, pour changer, par exercice. Pourquoi nous sommes-nous brouillées ? Le savez-vous ? moi pas. Non, m’amie, voilà qui me dépasse :