Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/64

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comme l’artiste célèbre auquel on demande « ne serait-ce qu’un couplet », il jouissait des yeux fixés sur lui, des bouches entr’ouvertes, des mains tendues et frémissantes.

— Soit, dit-il, puisque vous l’exigez !

Il ôta son paletot et l’écarta soigneusement sur le dossier de sa chaise.

— Je réclame votre indulgence, dit-il, pour trois raisons. D’abord ma femme exagère ou se trompe peut-être. En second lieu, je n’ai pas encore exécuté l’orang en public. Enfin, et ceci vous surprendra, je vous affirme que, de ma vie, je n’ai vu d’orang !

— Vous en avez plus de mérite, lui dit-on.

Il y eut un remuement de sièges. On se prépara à la peur. Les dames se serrèrent, coude à coude, autour de la table, et les messieurs, nerveusement, sucèrent leurs cigarettes, s’enveloppèrent de fumée.

— Que je quitte au moins mes manchettes empesées, dit M. Bornet. Elles me gêneraient !

— Allez, allez donc, je vous supplie ! dit une femme exaspérée, déjà pâle.