Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des fils minces qui servent à attacher les cœurs, et Mme Bornet conclut :

— Si je ne suis qu’une femme, je ne suis pas femme pour rien, je n’oublierai de ma vie leur procédé. Et toi ?

Sans répondre, M. Bornet lui prend la main.

— Halte ! dit-il. Ma pauvre vieille, nous sommes fous !

Mme Bornet obéit, le regarde, regarde du côté des Navot et dit :

— Mon pauvre vieux, voilà du chimérique !

Ils se frottent les yeux, en écartent des effiloches de brumes et se croient aveugles. Puis ils se mettent à rire, silencieusement, comme deux Indiens, épaule contre épaule, redevenus bons, épanouis, heureux de vivre en ce monde où toujours tout s’explique :

Assis entre M. et Mme Navot, dans leur bateau ordinaire, un étranger fume, quelque ami de Paris peut-être, et, grave sous son chapeau haut de forme noir qui luit au soleil, il rend la fumée, naturellement, par la bouche.