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L’ESCARGOT

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I

Casanier dans la saison des rhumes, son cou de girafe rentré, l’escargot bout comme un nez plein.

Il se promène dès les beaux jours, mais il ne sait marcher que sur la langue.

II

Mon petit camarade Abel jouait avec ses escargots.

Il en élève une pleine boîte et il a soin, pour les reconnaître, de numéroter au crayon la coquille.

S’il fait trop sec, les escargots dorment dans la boîte. Dès que la pluie menace, Abel les aligne dehors, et si elle tarde à tomber, il les réveille en versant dessus un pot d’eau. Et tous, sauf les mères qui couvent, dit-il, au fond de la boîte, se promènent sous la garde d’un chien appelé Barbare et qui est une lame de plomb qu’Abel pousse du doigt.

Comme je causais avec lui du mal que donne leur dressage, je m’aperçus qu’il me faisait signe que non, même quand il me répondait oui.

— Abel, lui dis-je, pourquoi ta tête remue-t-elle ainsi de droite et de gauche ?

— C’est mon sucre, dit Abel.

— Quel sucre ?

— Tiens, là.

Tandis qu’à quatre pattes il ramenait le numéro 8 près de s’égarer, je vis au cou d’Abel, entre la peau et la chemise, un morceau de sucre qui pendait à un fil, comme une médaille.

— Maman me l’attache, dit-il, quand elle veut me punir.

— Ça te gêne ?

— Ça gratte.

— Et ça cuit, hein ! c’est tout rouge.

— Mais quand elle me pardonne, dit Abel, je le mange.