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Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/157

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Je découpe à table, et il m’est permis d’affirmer que je préside. Je paie cet honneur en gardant les mauvais morceaux pour moi. Une fois, il ne me resta rien. Monsieur Vernet a pris dans son assiette la moitié de sa part et l’a mise dans la mienne. Je l’ai mangée sans dégoût, puisqu’on était en famille. Mais je lui passe souvent mon gras, qu’il ne se fait pas offrir deux fois. On sait que j’aime la crème, et, à chaque dessert, la bonne, mystérieusement, pose devant moi une petite terrine, dont j’enlève le couvercle en hésitant, en disant :

— « Qu’est-ce que ça peut bien être que ça ? mon Dieu ! »

C’est de la crème !

Bien que la surprise se renouvelle, je n’en reviens jamais. Les figures s’éjouissent. Mais c’est trop de crème ! Une fois de plus, on m’a pris exagérément au mot. Sans me plaindre, j’avale ma terrine d’un trait, et je lutte contre un commencement de mal de cœur.

La garde-robe de Monsieur Vernet devient la mienne. Si nous rentrons mouillés, on met à ma disposition des chaussettes, une chemise, un caleçon.