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Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/54

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une rainure de la table et le fait vibrer avec précaution. Il lui faut cette musique sourde à mes vers.

Madame Vernet murmure :

— « Mais c’est qu’ils sont jolis, ces vers-là ! »

Et, après un silence :

— « Ils ne sont pas jolis : ils sont beaux. »

Parfois, je ne dis plus rien :

— « C’est fini ? »

— « Oui, c’est fini. »

— « Ah ! très bien, très bien. »

Monsieur Vernet fait vigoureusement vibrer son couteau, et applaudit, trois doigts de sa main droite claquant sur le dos de sa main gauche.

— « Savez-vous que vous êtes un vrai poète ? » me dit Madame Vernet en hochant la tête.

— « Puisque celle-là est finie, à une autre, » dit Monsieur Vernet.

— « Oh ! je veux bien, moi. »

Et, de nouveau, je vais me remettre à ronronner, la jambe droite en avant, le regard perdu. Déjà je me balance.

— « Une goutte de brandy ! m’offre Monsieur Vernet : ça fait du bien quand on parle longtemps. »