Aller au contenu

Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
118
L’ŒIL CLAIR


par une nourriture plus soignée que celle du lycée, qui multipliait les promenades agréables pour tous, et ne craignait pas d’offrir aux grands quelques heures de liberté en ville) ; M. le directeur nous amène le nouveau pion à l’étude du soir, D’ordinaire il présente les pions par un petit discours inintelligible que les élèves écoutent debout. Cette fois, nous n’avons pas même le temps de nous dresser. Il l’installe, sans cérémonie, sans le nommer, à sa chaire, le salue et se retire comme s’il n’était pas fier de sa trouvaille.

Qu’est-ce encore que celle-là ?

Nous en avons vu passer bien d’autres, des pions, à la boîte : elle semble le dernier refuge de ceux qu’on a chassés de partout. Où peuvent-ils aller, quand la nôtre les rejette ?

L’arrivée du dernier venu est toujours une distraction, mais celui-là impressionne. Il est jeune, de grande taille, large d’épaules, et il a des mains blanches. Il les frotte devant sa figure, soit pour les montrer, soit qu’il se cache et nous regarde derrière ses mains, avec ses lunettes. Nous observons en détail ses fortes mâchoires, ses lèvres rasées, ses joues bleues d’une barbe qui repousse, un front carré et net sous une chevelure noire rejetée en arrière. Ce pion doit être terrible quand