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LETTRES À L’AMIE



V


Ambitieux, oui, mais dans le vague. Dès que je précise, je me sens repu.

Est-ce que je voudrais être ceci ? ou cela ? Ce grand homme, cet homme aimé ? Non. Riche ? Illustre ? Non, non.

Est-ce que je serais heureux d’avoir écrit la pièce de mon ami Paul qui lui rapportera deux cent mille francs ? Je vous jure que non.

Écoutez, je vous fais un aveu.

Vous savez combien j’aime tous nos grands écrivains. Eh bien, il arrive que je demande après la lecture de telle page que j’admire, une page de Flaubert, oui.

— Cette page, est-ce que je la signerais ?

— Je ne la signerais pas.

Hein, ma vieille amie, donnez-moi une belle calotte.


Cette lettre écrite, j’ai rêvé longtemps, ma pensée m’échappait. Je suis sûr qu’elle est montée à cette hauteur où l’œil humain ne voit plus l’alouette. Au moins on l’entend toujours ; mais mon cerveau ne faisait pas de bruit.