Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
33
LETTRES À L’AMIE


n’aurai rien. C’est un mauvais voisin. Il jette ses pierres là, sur cette pente, et elles roulent dans mon champ. Et l’autre voisin ne vaut pas mieux. Il repousse la haie de mon côté.

— Mais les bornes ?

— Où sont-elles ?

— Il y a le plan cadastral, à la mairie.

— Il est si vieux qu’on ne s’y reconnaît plus. D’ailleurs moi...

— Faites arpenter votre champ.

— Le garde champêtre m’a juré que vingt géomètres donneraient vingt mesures différentes. Ah ! si j’étais une étrangère, ils me donneraient peut-être raison.

Comme sa malice ne porte pas, elle ajoute, d’une voix que la parole a usée :

— Oui, les étrangers ont de la chance, tout pour eux !

— J’entends, Nanette, vous dites ça pour Marguerite.

— Pour personne.

— C’est une pauvre femme malheureuse.

— A qui la faute ?

— Son mari l’a abandonnée avec quatre enfants.

— Ils se battaient tous deux, quand il buvait.

Il est parti.