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Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/92

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DE L’ŒIL CLAIR


étiez debout, comme moi, depuis quatre heures du matin, vous feriez moins de bruit.

Il avait d’ailleurs bien de la conduite et rapportait toujours son argent recta.

Le père et la mère couchaient dans le même lit, les dix enfants dans les deux autres lits, cinq par cinq. On s’agenouillait, on faisait sa prière et on sautait dans le lit. Dix jambes dans le même lit, on avait vite chaud aux pieds.

Le difficile était de les faire manger ; enfin, ils mangeaient. La mère et les enfants avaient une grande tinette, et le père son écuelle à part. Il ne voulait pas manger avec les petits coissots.

— Avec qui ?

— Les petits cochons, nous !

Ils disaient souvent à la mère :

— Que ça à manger ?

— Tuez-moi, répondait la mère.

— J’ai payé sept cents francs de pain cette année, disait le père. Il vous en faut des quinze livres par jour !

— Mangez-moi toute crue, reprenait la mère.

Ils n’ont jamais manqué de pain ; ils ne se sont jamais couchés avec la faim.

Seulement, il ne fallait pas arriver en retard. La grande tinette était bientôt vide.