Page:Renard - L’Homme truqué, suivi du Château hanté… - Crès, 1921.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
CHÂTEAU

bigarrée grouille et piétine, hérissée de lames et de pointes. Peu de clameurs ; des conseils, des commandements pressés ; un froissement de corps et l’entre-choc des salles d’escrime. Parfois, un juron, la plainte d’un blessé. Le son des masses d’armes qui cognent une chose invisible et retentissante. Du sang par terre. Mais toujours le casque fleurdelisé qui se dresse là-bas sur la tapisserie, et la grande épée royale qui tournoie.

Au large, des femmes allaient de-ci de-là, mordant leurs mouchoirs, fiévreuses, pâles, guettées par la crise des nerfs. Les domestiques, gouailleurs, comptaient les coups. Et dans une encoignure, deux noirs compagnons étaient le duc et moi. Je n’avais pas eu besoin de le retenir ; je le rassurais tant bien que mal. Voyant s’éterniser la bataille, il tremblait de plus belle et balbutiait des mots sans suite :

— Minuit !… Le pas… le pas sourd dans les corridors… Le bruit de ferraille… Le roi ! le roi !… Pour Dieu, qu’on en finisse ! Que le jour se lève !…