Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/100

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d’un feu caché. Par une fente de la croisée, la bise siffle sa nudité de laide ; mais la conscience du devoir accompli croît en Mlle Eugénie, s’élargit, s’enfle, et, comme un ballon intérieur, la soulève et la porte, un instant suspendue, planante.

— Ah ! moineaux crottés, moineaux va-nu-pieds, que Dieu misérablement abandonne, venez à moi, en foule ; j’ai de la charité pour tous vos appétits.

Pit ! Pit ! Le moineau mange, comme s’il avait été apprivoisé par M. Theuriet lui-même.

Et ces petites bêtes ne sont pas ingrates. Il est évident que nos prières montent au ciel, roulées en cigarettes sous leurs ailes chaudes. La recommandation d’un oiseau vaut, pour le moins, son pesant de plumes.

Elle divague, la chère jeune fille ! Elle en est à ce point de l’attendrissement où l’on s’imagine qu’on va parler en vers.

Déjà elle touche le prix de sa bonne action en vœux entendus, en souhaits réalisés.

Voilà qu’elle pleure un peu !

Fût ! Fût ! La queue, les ailes remuantes, le moineau rassasié se perche au bout de l’index, fait bec fin et ventre plein, et, avant de s’envoler au-dessus des toits éclatants de blancheur pure, vers les froides couches d’air irrespirable, il laisse, comme solde, à Mlle Eugénie, au creux de la main, entre la ligne de vie et la ligne de prospérité, une crotte.

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