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LA CARESSE


À Jean Richepin.

I

Avril aussi s’approcha des parieurs. C’était un soldat doux et bleu, qui n’eût pas fait aux autres ce qu’il ne voulait pas qu’on lui fît. Il pensait avoir conquis la chambrée par ses sourires, son air de s’intéresser à tout, et la docilité avec laquelle il épluchait les pommes de terre. Il ne mangeait point à la gamelle, mais il y goûtait quelquefois.

— Ma parole ! disait-il, c’est meilleur que ce qu’on me sert à la cantine.

Il semblait n’y prendre sa nourriture que par une sorte de contrainte.

Nul ne lui avait encore plié ses draps en portefeuille, ou renversé, la nuit, un quart d’eau froide sur la tête. Jamais il ne se réveillait violemment sous son lit retourné d’un coup d’épaule, toute la caserne s’abîmant dans une catastrophe.

Il se croyait sauvé.

Vraiment la chambrée ne se composait que de braves garçons, et la distinction d’Avril, dissimulée, passait inaperçue.