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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/163

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Mais, sur la défensive, écouteux, prêt à croiser la baïonnette, il serrait fortement son fusil dans ses deux mains.

Il ne se mettait point dans la guérite, par crainte d’une surprise, et s’assurait de temps en temps que la corde de la cloche descendait à sa portée.

« Ah ! n’tremblez donc pas comme ça ! » lui chantait en dedans une laide artiste de café-concert évoquée.

Avril s’enhardit :

— Il y a un quart d’heure que je suis de garde, et je dois faire toutes les dix minutes une visite au condamné à mort, qui me croira mal élevé.

Le dos voûté, à pas craintifs, il s’engagea dans le couloir menant à la cellule. L’énorme serrure de la porte l’impressionna. Luisante, entretenue avec soin, elle sentait l’huile. Au-dessus, par un verre rond de la grandeur d’un monocle, on pouvait suivre les mouvements du condamné.

— Je serais curieux de savoir ce qu’il fait, dit Avril.

Toutefois, il se « promena », quelques instants dans le couloir, à égale distance des deux murs.

— Est-ce que je deviens bête ?

Il fit une volte brusque, courut à la cellule, colla son œil au verre et sauta en arrière, pâle. L’œil du condamné était collé de l’autre côté.

Avril, une sensation de brûlure aux sourcils, entendit un éclat de rire.

— Ça te la coupe !

De nouveau, il regarda et goûta fort les farces sans danger qui se suivirent.