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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/166

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— Qu’est-ce que vous avez ? Il y a donc longtemps que je dors ? Elle a été courte la nuit. Ah ! vous venez me chercher. C’est pour aujourd’hui, bon ! bon ! On y va. Ne me bousculez pas. Je serai brave. Cabot, passe-moi mes chaussettes.

— Recouche-toi, imbécile !

Le caporal Mélinot ferma la porte, s’élança dans les couloirs, tâta des serrures, des barreaux, et fit deux fois le tour de la prison au pas gymnastique, ses hommes sur ses talons, sa lanterne à hauteur de menton.

Il ne remarqua rien d’anormal et quand il entrait dans une chambrée, les prisonniers, effarés, eux aussi, par la cloche d’alarme, lui demandaient :

— Est-ce que c’est le feu ? Il ne faudrait pas nous laisser griller !

— Relève-toi donc ! dit-il au soldat Avril qu’il secouait du pied.

Mais Avril ne se releva pas. Il pressait son fusil sur son cœur et sa baïonnette avait fait au ciment du mur une longue éraflure. On dut le transporter au poste, et le directeur de la prison, en pantoufles, au milieu de tout le personnel vêtu à la hâte, constata, sans pouvoir rien expliquer, qu’Avril était évanoui, mort peut-être. Il prononça les mots de congestion, de rupture d’anévrisme et déclara qu’il fallait chercher tout de suite le médecin, lequel en dirait long à propos d’un cas aussi bizarre.

Penchés autour d’Avril qu’ils avaient étendu sur la table, ses camarades tâchaient de le ranimer.

Ils le frictionnaient, le râpaient avec la vigueur des grands jours d’astiquage, lui lavaient les tempes