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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/172

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Au seuil de la porte, la Gagnarde s’extasiait encore devant le fumier des Morvand. Il était carré, fait au moule. Des branchages et des pieux le soutenaient, et on pouvait y monter par une planche à pente douce, comme sur une estrade.

— À tout à l’heure, ma grosse ! disait la Gagnarde.

— À tout à l’heure, ma petite ! répondait la Morvande.

Or, en réalité, la grosse c’était la Gagnarde et la petite la Morvande. Donc les mots venaient bien du cœur.

II

Quel fut le motif de la querelle, ce jour-là, le village ne le sut jamais exactement. Les uns prétendent que la Gagnarde renversa par la cour commune un baquet d’eau grasse. Les autres, le maître d’école est du nombre, affirment que la Morvande lança, innocemment peut-être, une corbeille de pommes pourries dans les jambes de sa voisine.

Qu’arriva-t-il ensuite ?

La Gagnarde cassa d’un coup de fourche les deux pattes d’une oie qui n’était pas à elle, et la Morvande tordit le cou d’un jars sans en avoir le droit.

Puis toutes les deux, vaillantes, se mirent à donner de la voix.

La Morvande jappait. La Gagnarde grondait.

La Morvande courait dans la cour, ramassait des choses quelle laissait tomber pour les reprendre, et, le geste désordonné, se griffait le visage. Sa seule préoccupation était de jeter des cris aigus, sans choix,