Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/189

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— Je tâche, dit M. Castel.

Le marié cesse de discuter. Peiné au cœur, il ignore le sens de ces paroles entendues pour la première fois. Peut-être a-t-il lu quelque part les mots délicatesse, discrétion, mais il n’en use point, et autour de lui personne ne s’en sert. Il s’imagine que Monsieur le maire l’injurie et déjà il tremble de honte.

— Mon ami, je vois que vous ne me comprenez pas, lui dit M. Castel. Je m’explique, essayez de saisir. Le devoir d’un maire est de veiller non seulement aux intérêts, mais encore aux principes de sa commune. À mon avis l’espèce humaine dégénère. Les hommes perdent tout maintien, les femmes toute pudeur. Ils se plaisent à s’abaisser. Leur dignité traîne par terre. Il faut, pour qu’elle se relève, de petites leçons dures comme celle que je vous donne. Loin d’en être humilié, méditez-la. Que d’abord vos invités d’aujourd’hui imitent ma réserve, et embrassez votre femme vous-même, tout seul. Vous prendrez vite cette habitude, et demain ce sera l’usage, un usage de plus.

Et M. Castel, fatigué d’avoir tant parlé, quitte son écharpe. Il est parti que la noce l’écoute encore. Vivement affectée, elle oublie que Monsieur le curé n’est guère patient et elle se dirige vers l’église, sans hâte, lorsque le marié s’arrête et, les idées désordonnées, veut savoir à quoi s’en tenir, tout de suite, dans la rue, et il s’écrie :

— Louise, réponds, qu’est-ce que Monsieur le maire a contre toi ?

— Mais rien, mais rien, dit-elle.

— Si, si, un honnête homme ne fait pas des