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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/27

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LA CLEF


À Alfred Capus.


La vieille est vieille et avare ; le vieux est encore plus vieux et plus avare. Mais tous deux redoutent également les voleurs. À chaque instant du jour ils s’interrogent :

— As-tu la clef de l’armoire ? dit l’un.

— Oui, dit l’autre.

Cela les tranquillise un peu. Ils ont la clef chacun à son tour et en arrivent à se défier l’un de l’autre. La vieille la cache principalement sur sa poitrine, entre sa chemise et sa peau. Que ne peut-elle délier, pour l’y fourrer, les bourses de ses seins inutiles ?

Le vieux la serre tantôt dans les poches boutonnées de sa culotte, tantôt dans celles de son gilet à moitié cousues et qu’il tâte fréquemment. Mais, à la fin, ces cachettes toujours les mêmes lui ont paru de moins en moins sûres, et il vient d’en trouver une dernière dont il est content.

Or la vieille lui demande selon la coutume :

— As-tu la clef de l’armoire ?

Le vieux ne répond pas.

— Es-tu sourd ?