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LE DISCIPLE


Éloi lit maintenant les Histoires extraordinaires d’Edgar Poe, et il admire, non sans stupeur, la méthode analytique si « absurdement simple » d’Auguste Dupin.

Voilà l’homme qu’il voudrait être !

Tout de suite il ferme le livre et sort, par ce temps froid. Il dévisage les gens et s’étonne qu’ils n’aient point pour lui une « fenêtre ouverte à l’endroit du cœur ».

Comme il rencontre son ami Martel :

— Bonjour, dit-il, quoi de neuf ?

— Rien, répond Martel.

— Comment, rien ?

— Non. Au revoir, je suis pressé.

Et Martel s’éloigne rapidement.

— Tiens, se demande Éloi qui déjà flaire une piste, qu’a donc mon vieil ami ? Il évite mes regards et se dérobe à mes questions. Pourquoi est-il si pressé ? Observez-le : il ne marche pas, il fuit et se faufile. Il garde relevé le col de son pardessus, comme s’il avait perdu sa cravate, arrachée d’un violent effort, dans une lutte. Et il cache ses mains au creux de ses poches, comme des mains tachées !