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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/37

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LA FICELLE


À Léon Deschamps.


Son frère étant mort, grand-père Baptiste se trouvait seul au monde. Il avait planté un fauteuil de paille devant sa porte, et il y passait la journée, en hébété, principalement vêtu d’une culotte.

Il ne savait plus comment on réfléchit.

Il dépensait toute sa force à déplacer son ventre de droite et de gauche, et il ne rentrait que le plus tard possible dans sa maison. Mais il ne pouvait dormir, car dès qu’il ne voyait pas, il pensait à son frère. La chambre lui semblait remplie de suie. Il étouffait.

Il dit au petit Bulot :

— Je te donnerai deux sous si tu couches dans le lit de mon frère.

— Donnez-moi les deux sous d’avance, répondit Bulot.

Grand-père Baptiste le coucha, lui mit une ficelle au pied, comme on fait aux gorets ramenés de la foire, se coucha à son tour, et, le bout de ficelle entre ses doigts, goûta enfin quelque repos. Les plis des rideaux cessaient de grimacer.