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LES TROIS AMIS


À J.-H. Rosny.

I

Le fiacre s’arrêta. Les trois amis en descendirent des cannes hydrocéphales, si lourdes qu’ils les portaient à bras tendu, pour montrer leur force. Ils étaient bruyants, fiers de vivre, vêtus à la mode éternelle. Chacun avait une route nationale dans les cheveux.

Le premier dit : « Laissez donc, j’ai de la monnaie. »

Le second : « J’en veux faire. »

Le troisième : « Vous n’êtes pas chez vous, ici », et au cocher : « Je vous défends de prendre ! »

Longtemps ils cherchèrent, ouvrant avec lenteur, une à une, les poches de leurs bourses, et, tandis que le cocher les regardait, ils se regardaient obliquement.

II

Le premier apportait pour bébé un polichinelle bossu par devant, bossu par derrière, et singulier, car plus on le maltraitait, plus il éclatait de rire.