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le docteur lerne, sous-dieu

Emma !… Nous nous mesurions du regard. Il y avait dans le sien beaucoup de promesses et pas mal d’ironie. — Elle mangeait des asperges avec un bruit de baisers goulus. — Parfois, quand elle se penchait vers moi, la chemise s’ouvrait davantage, et la vision d’alors était si prodigieusement émouvante, qu’elle envahissait tout mon être par mes prunelles et me donnait aux mains une impression de douceur…

— Emma !…

Mais déjà elle s’était redressée, presque nue, riant de sa beauté comme d’un grand bonheur, et jamais, certes, l’art infaillible de l’instinct ne fit valoir, avec tant de génie, plénitude si juste et fraîcheur plus à point.

Décidément je n’avais guère faim, rien ne passait : je pris le parti de contempler Emma sans plus insister. Elle, ne se hâtait pas, moqueuse et, je suppose, à dessein, pour que l’impatience exaltât mon désir jusqu’au paroxysme.

Elle goûtait la dînette en gourmande. Je ne l’avais pas encore vue aussi commodément. Ce qu’elle livrait à la tiédeur parfumée de la chambre était, selon mes idées, singulièrement accompli, et la parade en faisait naître l’irrésistible envie du spectacle intégral. Aux relations secrètes par quoi, dit-on, les charmes que l’on publie s’apparentent à ceux que l’on réserve, je me divertis à supputer l’invisible d’après le visible. Le nez d’Emma était un petit luron fort expressif, et sa bouche étroite avait des lèvres charnues et rouges, dont le