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Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/178

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le docteur lerne, sous-dieu

pour s’exprimer à soi-même. La durée d’une seconde, pourtant, elles acquirent une violence inimaginable, et si je haussai les épaules après la petite scène qui les enfanta, il faut avouer qu’elle m’avait mis à l’agonie. — Je la retrace.


Ayant projeté d’employer mes dix minutes à reconnaître le vieux soulier, je descendais une allée dont la rosée vespérale mouillait déjà l’herbe haute. L’avant-garde de la nuit commençait d’investir les sous-bois. On entendait s’espacer le chant des passereaux. Je crois qu’il était six heures et demie. Le taureau mugit. En bordant la pâture, j’y comptai seulement quatre animaux : Pasiphaé n’y promenait plus le demi-deuil de sa robe pie. Mais cela n’était d’aucun intérêt.

Je marchais délibérément lorsqu’une chamaillerie de coups de sifflets mêlés de petits cris, une touffe de piaulements aigus, si j’ose écrire, m’arrêta.

L’herbe ondulait.

J’approchai sans bruit, le cou tendu.

Il y avait là un duel, un de ces combats innombrables qui font de chaque ornière un abîme d’iniquités, une lutte criminelle où l’un des adversaires est condamné à périr afin que l’autre s’en repaisse : le duel d’un petit oiseau et d’un serpent.

Le serpent était une vipère assez imposante dont le crâne en triangle se marquait d’un large stigmate blanc, de même figure.