Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
le docteur lerne, sous-dieu

dissait une face injustement plate, dont le nez mince et pointu, comme fiché dans ce disque, en faisait un cadran solaire.

Le second, de militaire prestance, retroussait du pouce une moustache à l’impériale germanique, et, rostral, son menton proéminait, plus qu’en galoche : à la poulaine.

Un grand vieillard à lunettes d’or, la chevelure grise et bouclée, la barbe inculte, faisait le troisième. Il mangeait des cerises avec fracas, ainsi que le rustre mâche des tripes.

C’étaient bien des Allemands, sans doute les trois préparateurs de l’ex-Anatomisches Institut.

Le grand vieux cracha de mon côté une salve de noyaux et, vers ses camarades, l’une de ces phrases tudesques où se décharge la mitraille des mots avec tant d’autres vacarmes innommables. Ils échangèrent ainsi quelques propos, comme autant de bordées, sans s’occuper de moi, puis, ayant imité assez adroitement avec leur bouche le bruit d’un combat livré près d’une cataracte — ayant tenu conseil —, ils tournèrent les talons et me laissèrent abasourdi de leur grossièreté.

Il fallait pourtant bien sortir de là ! Cette expédition devenait d’heure en heure plus ridicule ! Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Quelle était cette comédie ? À la fin, on se moquait de moi ! — J’étais furieux. Les prétendus secrets que j’avais cru flairer me semblaient à