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le maître de la lumière

— Charles Christiani, redit Rita sans se faire prier.

Le nom, prononcé par sa belle voix de bronze, sonnait de toute sa musicalité cristalline, à la fois pompeuse, aérienne et comme évangélique.

— Je ne saurais jamais le dire comme ça ! admit Geneviève. On voit bien que tu es Corse et amoureuse…

— Chut ! pas ce mot-là !… Pas encore !

— J’ai mis l’adresse. Ensuite ?

— Reçu et transmis télégramme. Rien de nouveau. toute décision différée. Nos meilleurs souvenirs. Le Tourneur.

— Voilà qui est fait. C’est simple et de bon goût. Avec ces deux lignes de mon écriture, n’importe qui pourrait me faire pendre haut et court par ton aimable père !… Alors, maintenant, naturellement, il faut que j’aille à la poste ?

— Naturellement. Et même… il est tard.

— Quel métier ! se lamenta Mme Le Tourneur, délicieusement ravie.

Elle mit un béret rouge sur ses pâles blondeurs et sortit de sa chambre en poussant devant elle, sans force, son amie.

— À tout à l’heure, « Juliette », lui dit-elle. À nous le rossignol, l’alouette et l’échelle de soie avec un petit balcon au bout !

Elles se séparèrent dans le couloir, où la chute du jour ajoutait aux ombres accoutumées les ombres de l’heure.

— Il partira ce soir, n’est-ce pas ? dit Geneviève à la demoiselle du guichet, séparée d’elle par un grillage.

— Oui, madame, nous allons l’expédier immédiatement.

— Je vous remercie.

Avec un gracieux sourire qui prenait son temps pour s’effacer, elle pivota sans hâte, à la manière de ces nonchalantes vapeurs qui flottent, sous la lune, au-dessus des marais.

Sur le seuil du bureau de poste, Luc de Certeuil, qui