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le maître de la lumière

initiales : G. L. T. Les autres sacs et mallettes n’étaient marquées d’aucun signe.

« Je suis vraiment inexcusable de me montrer si peu dans les salons, pensait Charles. C’est proprement idiot. Sans cela, il y a belle lurette que je la connaîtrais. Qu’importe ! Elle est exquise ; elle m’admire un peu ; elle est, indubitablement, d’excellente famille… Il fait beau ! Dieu, qu’il fait beau ! »

C’était, comme on voit, le « coup de foudre » dans toute sa magnificence. Mais, cette fois, à l’inverse des cas les plus communs, tout semblait prouver que la foudre était tombée en même temps dans les deux sens et que deux éclairs, jaillis de deux êtres, s’étaient croisés, si bien que cet échange d’étincelles avait frappé l’un et l’autre, simultanément, d’une commotion puissante, inouïe et délicieuse. Voilà qui est rare.

Cette pauvre Geneviève Le Tourneur, ayant assumé la responsabilité de chaperonner Rita, s’aperçut très vite de la réalité. Elle le fit bien voir en s’agitant, en remuant les doigts sur un piano imaginaire, en prêtant à son visage une expression effarée.

Mais Rita ne remarquait rien, ou se riait de tout.

Geneviève semblait ne plus exister pour elle, qui s’abandonnait aux joies d’un dialogue admirablement banal, mais où ils se complaisaient, elle et Charles, à s’entendre parler tour à tour. Charles ne pouvait douter des sentiments de Rita ; à vrai dire, dans l’état de son cœur, il n’en eût pas douté, même si ces sentiments n’avaient pas été tels qu’il les souhaitait. Geneviève étant femme et spectatrice sans passion, ne s’y trompait pas.

Ainsi, quoique vainement, donnait-elle ces témoignages d’inquiétude et de réprobation. Délaissée, elle finit par se lever, et, jetant à Rita un regard chargé d’une foule d’avertissements, elle s’éloigna d’un pas nonchalant.

Ce fut pour revenir presque aussitôt et pour dire :

— Nous arrivons à l’île d’Aix.

Elle avait l’air contente de rompre l’intimité de ce doux entretien, auquel les Grecs auraient donné le nom chantant « d’oaristys ».