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le maître de la lumière

— Le verre vibre de plus en plus, dit Bertrand.

Dans la plaque, au-dessus et autour des soldats statufiés, la multitude, tournée vers l’approche du roi, s’animait. Des bras, des chapeaux, des mouchoirs, des écharpes s’agitaient déjà, par anticipation, comme des appels. Leur mouvement s’accélérait, se multipliait ; ces vivats gesticulés gagnaient toute la masse, courant au long des étages et escaladant les toitures.

L’horloge de César marquait midi.

Celui qui allait mourir dans quelques secondes regardait par la fenêtre avec intérêt, l’âme évidemment sereine et la conscience tranquille.

Tout à coup, le tambour-major leva sa canne enguirlandée et, derrière lui, ses hommes se mirent à battre aux champs.

— Attention ! dit Charles d’un ton net. Voici les municipaux de l’escorte.

Un peloton de cavalerie — casques de cuivre et plumets rouges — s’avançait au pas, sabre au clair. Deux rangs de cavaliers. Tous regardaient vers leur droite, inspectant les maisons et les spectateurs du côté des troupes que Louis-Philippe allait passer en revue. Et ils négligeaient complètement l’autre côté, où Fieschi, à l’abri de sa jalousie, était posté, le brandon à la main.

Les gardes municipaux passèrent très lentement. Le sous-officier serre-file jetait fréquemment des regards en arrière, pour régler l’allure du peloton sur la marche du roi, encore invisible aux yeux de Charles et de ses invités.

Aussitôt après cette avant-garde vinrent quelques hommes armés de triques qui marchaient ici et là et qu’on reconnaissait aisément pour des agents de police en bourgeois. Eux aussi, sans vergogne, promenaient des regards inquisiteurs sur les arbres, les gens et les façades qui se trouvaient à leur droite.

Les acclamations atteignaient — visiblement — leur paroxysme. Les tambours battaient la caisse avec un ensemble vigoureux, leurs pieds guêtrés de blanc marquant le pas.

— Le maréchal comte de Lobeau, commandant en chef