vait réconforté, songeant que les morts ne doivent pas se donner tant de peine pour rien.
Hélas ! Si Charles Christiani avait légué à sa petite-fille quelques traits de son visage et quelque allure de son maintien, le goût des bêtes et la propriété d’une foule de choses disparates, là s’arrêtaient les bienfaits de sa succession. Les papiers provenant du partage de 1835 dépassaient en insignifiance tout ce que la cousine Drouet avait fait prévoir ; c’étaient des comptes, des lettres d’affaires ; dix minutes suffirent à Charles pour se convaincre du buisson creux.
Il cacha sa déconvenue, non sans efforts, car il s’apercevait maintenant que, dans les profondeurs de son âme, il avait fondé sur cette dernière chance beaucoup plus d’espoirs qu’il n’était raisonnable, et il prit congé de la cousine Drouet en lui promettant de revenir la voir très prochainement.
Cependant, comme chacun sait, « l’homme propose, mais Dieu dispose », et sept mois devaient s’écouler avant que la bonne vieille dame reçut la visite qui lui était annoncée.
En effet, les jours suivants, des incidents de mauvais augure frappèrent l’esprit de Charles. Mme Le Tourneur, qu’il avait demandée au téléphone, n’était pas chez elle, et sa femme de chambre dit qu’elle était absente pendant un certain temps. D’un autre côté, Luc de Certeuil, que Charles ne rencontrait plus que par hasard, sembla bizarrement contraint, gêne, lorsque, à deux reprises, il se trouva devant son voisin, à la porte de l’immeuble. Il y eut même un changement tout à fait mystérieux dans la manière d’être de Mme Cristiani, qui parut subitement préoccupée et se montra pour son fils tantôt plus roide et tantôt plus affectueuse qu’à l’ordinaire.
Charles pressentit son malheur. Il en eut la confirmation par des indifférences : Rita Ortofieri était fiancée à Luc de Certeuil. Du même coup, il avait compris que sa mère n’ignorait pas son déplorable amour.
Il ne dit rien. Il ne se plaignit pas. Aucun mot ne fut échangé entre Mme Christiani et lui. Seulement, ils demeurèrent ensemble plus souvent, dans une intimité