trémité de la rue de Rivoli se traversait d’une barre sombre, piquetée de points colorés et de petits éclairs d’or et d’argent.
Le brouhaha gonfla, puis retomba, demeurant toutefois plus animé que précédemment.
La barre multicolore avançait, peuplée de remuements. Le bruit des acclamations commençait à devenir perceptible. Les troupes approchaient. Des éclats de trompettes, des cadences de tambours arrivaient, par bouffées.
Tenant par son long manche une jumelle de nacre, la cousine Drouet, jouant des narines et des sourcils, lorgnait le rapprochement progressif du défilé.
Un concert de hurrahs l’accompagnait.
Enfin, prenant presque toute la largeur de la chaussée, un peloton de gardes républicains, au pas, fit sonner le pavé de bois. Derrière, à bonne distance, s’avançait lentement une vision de rêve : la musique, les caisses et les clairons du vieux 14e de ligne, précédés du tambour-major jonglant avec sa canne. Et comme ils venaient, ces revenants, le soleil, fonctionnant comme un projecteur adroitement manié, les plaça tout à coup dans une éclatante lumière dorée, si bien qu’ils parurent surgir hors d’eux-mêmes, ou se dépouiller soudain des derniers crêpes de la mort. Ce fut saisissant. Et la multitude, emballée, hurla son enthousiasme, applaudissant à la fois l’effet de lumière, l’ingénieuse surprise du temps et la solennelle prestance des mannequins vivants qui passaient sous les shakos de jadis, battant la caisse, soufflant aux cuivres et jouant la majestueuse Marche de Moïse, celle-là qui avait accompagné l’entrée victorieuse de l’armée française à Alger.
En cet instant, tout possédé qu’il fût par le spectacle des détachements anciens qui se suivaient en colonne et bien espacés, Charles s’avisa que cette parade lui donnait fort précisément ce que la luminite avait été impuissante à reproduire : le bruit — le bruit gigantesque et divers qui, le 28 juillet 1835, avait combiné, lors du passage de Louis-Philippe, l’accent des musiques, la basse des tambours et cet extraordinaire feu d’artifice sonore où retentissent tous les vivats, tous les