— Mais enfin, reprit Charles, interloqué, étant données les circonstances actuelles, — que je n’ai pas à vous rappeler, Certeuil, — je dois conclure que, pour vous adresser à moi, vous vous trouvez dans une situation non seulement très précaire, mais encore… spéciale. Car, si vous n’offrez pas personnellement des garanties dont peut-être un prêteur pourrait se contenter, — que diable ! il n’en va plus de même quand on considère en vous le fiancé de Mlle Ortofieri, fille du banquier ! Voilà un titre qui devrait vous ouvrir à deux battants tous les coffres-forts de tous les prêteurs du monde ! Pourquoi n’allez-vous pas frapper à la porte de l’un ou de l’autre ? N’avez-vous pas, dans toutes vos relations, cent amis pour un qui vous avanceront les sommes qu’il vous plaira, sur la dot de Mlle Ortofieri ? Pourquoi préférez-vous ce petit trafic ? Il y a une raison !
— C’est que, répondit Luc, de plus en plus souriant, je ne suis plus le futur mari de Mlle Ortofieri.
— Hein ? Vos fiançailles sont rompues ?
— On ne saurait mieux le formuler.
— Tiens ! tiens ! fit Charles, qui ne put se retenir de considérer Luc de Certeuil avec une ironie investigatrice.
Un soupçon d’embarras fut visible sur les traits pâles du jeune sportsman.
— Depuis tout à l’heure, dit-il, Mlle Ortofieri est libre. Je me suis rappelé qu’elle avait eu l’heur de vous plaire. « Mais, me suis-je dit, il ne suffit pas qu’elle soit libre pour que ce charmant garçon l’épouse. Il faut encore que certains obstacles tombent, qui s’opposent à cette union… » Vous m’entendez, cher ami ?
— Et alors ? dit Charles, au comble de la curiosité et du mépris.
— Eh bien ! c’est tout simple. Les papiers que je vous apporte, qui sont ici, dans ma serviette, ont le pouvoir d’aplanir toute difficulté…
— Vous êtes fantastique ! fantastique, Certeuil ! Allons ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Je demande à voir clair, moi ! J’ai besoin de tout connaître, et vous m’autoriserez, je vous prie, à vous poser quelques questions. Procédons par ordre. Que s’est-il