— Merci, dit Charles en recevant un cahier de parchemins reliés par une humble ficelle.
Il le jeta dans un tiroir qu’il ferma et dont il empocha la clé.
— Maintenant, payons, dit-il.
— Tout de même, fit Luc, pas moins de cinq cents francs ?
— Attendez.
Charles sortit son stylo et un carnet de chèques.
— Dites-moi, vous êtes « à la côte », n’est-il pas vrai ?
— C’est-à-dire que…
— Pas de vanité. Répondez-moi franchement.
— Oui, dit Luc. Et même pire : coulé.
— Si je vous aide à vous remettre à flot, me jurez-vous de changer d’existence ?
— Parbleu ! Je ne demande que ça ! s’écria Luc.
— Jurez.
— Je le jure, et de bon cœur.
— Bien. Alors, pour débuter, je vais mettre ce chèque au nom de Lucien Cartoux, n’est-ce pas ?
— Mais « Cartoux » c’est le nom d’un assassin !
— D’un assassin que vous n’êtes pas ! Tandis que « Certeuil » c’est le nom d’un escroc que… que vous avez été.
— Merci pour ce « passé composé » du verbe être. Allons ! C’est dit. Certeuil, Luc de Certeuil est mort. Mettez : Lucien Cartoux.
— Nous commençons à nous entendre. Voici le chèque.
Luc, ébloui, passa la main sur son front :
— Vous êtes un chic type !
— Pas tant que cela, répliqua Charles en le prenant par l’épaule. D’abord, une promesse comme celle que vous venez de faire, cela n’a point de prix. Et puis…
— C’est trop ! Quand même, c’est trop !
— Et puis, poursuivit Charles, il était juste et nécessaire que votre victime prit sa petite revanche. Le document que vous venez de me remettre a plus de valeur pour moi que je ne vous l’ai laissé croire. Je n’avais pas de preuve incontestable. Grâce à vous, maintenant, plus rien ne me fait défaut.