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le maître de la lumière

ment. Luc de Certeuil conduisit Charles au bureau et demanda pour lui une belle chambre sur la mer.

— Faites-moi l’amitié de m’accompagner, dit Charles. J’ai hâte de vous poser une question.

— Très volontiers ! fit l’autre, intrigué.

Ils montèrent ensemble.

La chambre était spacieuse. Par la fenêtre ouverte à deux battants, on découvrait la passe des Couraux, le commencement du pertuis de Maumusson et dans la distance, bornant la vue, la côte du continent, avec le donjon du fort Chapus, en avancée. Contre le ciel immense et déjà plus sombre, des mouettes, à grands coups d’ailes, s’entre-croisaient. On entendait les cris des enfants sur la plage.

Quand la porte se fut refermée sur le départ de la femme de chambre :

— Mon cher Certeuil, dit Charles Christiani, ma façon d’être doit vous sembler un peu bizarre. Pardonnez-moi… Vous voyez devant vous un homme assez ému… Voilà : cette jeune fille, Mlle Rita… Elle a fait sur moi une profonde impression…

Luc, sans rien dire, le considérait d’un air si indéchiffrable que Charles s’interrompit un instant et, à son tour, fixa curieusement les yeux qui le fixaient.

— Qu’y a-t-il ? reprit Charles, légèrement démonté.

— Rien. Je vous écoute avec beaucoup d’intérêt.

— Rien, vraiment ? J’aurais cru…

— C’est-à-dire que, enfin… Vous devez bien penser, mon cher ami, que je ne serai pas le seul à éprouver quelque surprise…

— Quoi ! dit Charles très gaiement. Parce que je ne danse pas, parce que je ne vais pas dans le monde, parce que je suis un explorateur d’archives et de bibliothèques, va-t-on croire à des vœux perpétuels et me prendre pour un moine ? Dites ?

Luc de Certeuil affecta de cligner les yeux précipitamment, pour manifester son incompréhension.

— Vous voudrez bien m’excuser, dit-il. Je n’y suis plus. Quelque chose m’échappe. Pour ne pas dire : plusieurs choses…

— Lesquelles ? de grâce ?…