Page:Renard - Le Maitre de la Lumiere, 1948.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
le maître de la lumière

jours de calme et de solitude me feront du bien.

— Méfie-toi de l’isolement.

— Bah ! J’emporterai quelques paperasses ; et les quatre sergents de La Rochelle me tiendront compagnie. Si j’ai du vague à l’âme, j’écrirai un chapitre de mon nouveau bouquin.

— Brrr ! Des histoires de conspiration et d’échafaud ! Tu ferais mieux d’écrire un vaudeville !

— Je n’ai pas de sujet ! répliqua Charles du même ton badin, en lui serrant la main.

Quand il fut parti, Bertrand sourit finement de sa bouche charnue, de ses yeux malins, et, si l’on peut dire, de son nez si expressif.

« Pas de sujet ! dit-il. Qu’est-ce qu’il lui faut ! Mais les uns « voient tragédie » et les autres « comédie ». Et ce sera toujours ainsi, tant qu’il y aura des hommes ou je ne sais quoi d’analogue. »

— Tu arrives à propos, Charles, j’allais te télégraphier de rentrer ou de prendre à La Rochelle le train de Genève.

Mme Christiani était assise à son bureau, devant des lettres ouvertes et des livres de comptabilité domestique. Son dur profil se détachait en silhouette sur le fond doucement ensoleillé de grands arbres jaunissants et du chevet de l’église Saint-Sulpice.

Ainsi, elle ne soupçonnait même pas que son fils eût été à Oléron. Elle exprima simplement :

— Tu as renoncé à ce crochet que tu avais l’intention de faire ? Je t’approuve. Ton Luc de Certeuil ne me plaît guère, comme tu sais. Mais j’ai reçu de Claude ceci.

Elle lui tendait une lettre, du bout de ses doigts bruns, extrêmement soignés.

Charles s’empressa de saisir la feuille quadrillée, sans répondre, mais en songeant que sa mère venait de lui dicter involontairement la meilleure marche à suivre. Voilà : pour tout le monde, pour lui-même, il arrivait de La Rochelle, directement. La veille encore, il