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le maître de la lumière

cher de lui, quand elle l’entraîna un peu à l’écart, il se demanda quelle requête allait lui être adressée, à la faveur des joyeuses dispositions qu’il venait de montrer.

Or, elle lui dit tout bas :

— Tu as du chagrin ?

Il en reçut une commotion, perdit pied, rougit et pâlit, pour rougir encore. Mais elle reprit :

— Veux-tu que je demande à maman la permission d’aller avec toi à Silaz ?

— Et Bertrand ? Non, non, reste auprès de lui, va ! Reste à Paris. C’est trop bon, quand on s’aime, de ne pas se séparer !… D’autre part, quelques jours de retraite…

— Qui est-ce ? lui demanda-t-elle entre ses dents, les yeux fixés de biais sur Mme Christiani.

— Personne ! C’était quelqu’un ; ce n’est plus rien !

— Colomba, donne donc le café !

— Au revoir ! dit Charles brusquement. Je vais faire mes préparatifs.

Quand les deux femmes furent seules :

— Tu ne trouves pas qu’il a quelque chose ? fit Mme Christiani.

— Mon Dieu, maman, peut-être bien…

— Comme si tu ne t’en étais pas aperçue, petite masque ! Seulement, moi, je n’ai pas besoin de lui demander ce qu’il a, pour le savoir. Il est amoureux, ma fille, il est amoureux, et ça ne va pas à son gré. Une histoire d’amour ! Nous y voilà. Il fallait s’y attendre, à la fin ! Bah ! c’est un Christiani, tout s’arrangera, et cela nous fera un second mariage… et je serai forcée d’inviter deux fois pour une cette cousine Drouet ! — qui s’est mal conduite avec Mélanie.

La jeune fille, amusée, n’en demeurait pas moins songeuse, tournant autour de son doigt la petite bague d’émail noir que Bertrand lui avait offerte.

Au bout d’un instant :

— C’est triste, dit-elle, d’être malheureux parce qu’on aime.

— Quand on aime à bon escient, ma belle, il est impossible d’être longtemps malheureux. Et je suis sûre de