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le maître de la lumière

ça ne vous fait rien de sortir devant le château, je vas vous montrer…

Ils sortirent.

Le parquet du salon était de niveau avec le sol de l’esplanade, couverte de gravier, qui précédait les pelouses. Une marquise, au-dessus de la porte, étendait son auvent de verre. Charles, en passant, lui donna une pensée réprobatrice. Cette adjonction datait de 1860 ; Napoléon Christiani l’avait fait faire au moment de l’annexion de la Savoie à l’occasion de laquelle il s’était prodigué en fêtes et festins, ayant du patriotisme et de l’ambition. La marquise, de style Napoléon III, détonnait dans l’aspect de la façade bien savoyarde avec son vieux crépi, ses fenêtres petites et ses grands toits lourds, à pente rapide, qui la dépassaient comme une coiffure solidement enfoncée.

À part la marquise, en effet, le château de Silaz, légèrement délabré, présentait un remarquable modèle de l’architecture régionale du xviie siècle, frustre mais charmante. Charles le remarqua une fois de plus en levant les yeux vers les fenêtres de la « petite chambre haute » — qu’il nous semble indispensable de situer, pour le lecteur, avec beaucoup de précision.

Du côté du parc, la façade du château — qui existe encore, bien entendu, à l’heure où nous écrivons — n’est pas établie sur un seul plan vertical, mais composée de deux corps de logis, dont l’un s’élève plus avant que l’autre. Pour l’observateur placé dans le parc, c’est le bâtiment de droite qui recule sur celui de gauche, de la profondeur d’une chambre ; et c’est de ce bâtiment en retrait que Charles, Claude et Péronne venaient de sortir, sous la marquise.

L’autre corps de logis, celui de gauche, celui qui fait saillie par rapport à celui de droite, offre, comme celui-là, un rez-de-chaussée et un premier étage ; mais il est surélevé d’un second étage dans la partie droite seulement, du côté qui fait un angle droit avec la façade en retrait. Ce second étage n’étant composé que d’une seule pièce, cela figure une tour carrée, coiffée également d’un toit de tuiles et dont la base se confond avec la construction avancée.