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suite de la tache carrée

tel qu’on l’obtient par la machine pneumatique ! Admirables, en vérité !… Mais qui saurait les égaler ? Qui serait admirable aussi ? Qui retrouverait leur trouvaille et permettrait aux honnêtes gens de monter là où quelques gredins de génie avaient perché leur asile ?…

En attendant la solution du problème, il était judicieux d’employer ballons et aéroplanes à l’observation rapprochée de la tache, et de leur appliquer tous les perfectionnements de la dernière heure. Armés de la sorte, ils pourraient au moins éviter le dirigeable-fantôme, ou — selon quelques-uns — l’attaquer.

Par malheur, on manqua de prudence. Le lecteur se souvient que de hardis professionnels, montant des aérostats ou des biplans ou des monoplans rudimentaires, avaient déjà commis l’étourderie généreuse d’évoluer au-dessus des régions suspectes. À partir du 9 juillet, leur nombre s’accrût de jour en jour. Jamais l’atmosphère n’avait été si dangereuse et jamais on ne vit tant d’appareils affronter la Grande Sournoise. Des hangars de planches entouraient le Bugey d’une ceinture de baraquements. À chaque minute, un nouvel éclaireur s’enlevait. Il y eut des lâchers de ballons qui firent dans le ciel comme des bulles de gaz dans une flûte de champagne. Les aéronautes et les aviateurs emportaient des lunettes de prix. Leurs noms parfois étaient célèbres. Des étrangers notoires quittaient leur pays et faisaient forfait aux concours les plus attrayants, pour venir explorer l’air au zénith de Mirastel. Les vainqueurs des Semaines triomphales, voulant honorer leur propre gloire, prenaient sans cesse l’atmosphère, avec un acharnement sublime. Jour et nuit, les belles unités de l’État, — ses aéronefs militaires, jaunes comme des cocons pointus de vers à soie, — passaient et repassaient, faisant la police des hauteurs et perquisitionnant chez Uranus.

À tout prendre, ce n’était qu’un match d’altitude que les circonstances dramatisaient. C’était à qui s’approcherait davantage de la tache carrée, pour la distinguer plus précisément. Et ils montaient, montaient… montaient… jusqu’aux parages effrayants où l’on doit inhaler l’oxygène de la provision et vivre d’une vie postiche, avec le secours de l’artificieuse chimie. Grâce à d’étranges