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le péril bleu

séparés par des bandes vides, autrement dit par les murailles qu’on ne voit pas. Cela fait une pépinière dans une galette d’humus qui ressemble à un grand damier. Et au-dessous, le sol invisible s’épaissit jusqu’à la mer atmosphérique sur laquelle il repose. Et au-dessus de ce maigre bois, où je reconnus les diverses essences des arbres bugistes, j’aperçus un étalement suspendu de branches sèches, de pierres et de rochers. Il était facile de voir qu’ils étaient posés au premier étage, dans des chambres correspondant aux rectangles de terre ; mais ils tenaient une moins grande superficie.

Au-dessus de ces minéraux, sur l’invisible parquet du deuxième étage, je vis toutes sortes d’animaux répartis sur un espace égal à celui des pierres.

Tout en longeant cette façade fantastique, j’entrevis des poissons nageant au sein de parallélépipèdes d’eau dont on ne pouvait pas distinguer le récipient.

Arche de Noé, en quelque manière.

Enfin, plus haut encore, sous un dernier étage réservé aux oiseaux : des hommes et des femmes. — Nos tourmenteurs peut-être aussi ? — J’allais savoir.

Mlle M.-T. L. T… Je la cherchais de toute ma vue…

Les hommes et les femmes, en l’air, semblaient très occupés de mon arrivée. J’ai très bien vu ceux qui étaient disséminés le long de la façade s’appuyer contre la muraille nulle-aux-yeux pour me regarder plus commodément. La lumière du vide les rendait blafards comme des Pierrots, avec des ombres noires dans la figure. Les autres, ceux qui ne se trouvaient pas à la façade, restaient espacés sur toute la superficie de l’étage, comme des soldats mal rangés pour les exercices d’assouplissement… Ils me regardaient à travers la couche éparse des bêtes au-dessous d’eux… En les voyant ainsi isolés l’un de l’autre, — comme aussi des pions rangés sans soin sur les cases d’un