Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
282
le péril bleu

26 juillet.

Hier, je tremblais encore trop pour écrire. C’est affreux, ce que j’ai vu ! J’ai vu, tout près de moi, là, un homme nu, couché à ma hauteur. Je voyais, imprimée dans sa chair pâle et frissonnante, la trace rouge des liens invisibles qui l’immobilisaient. — Ils veulent savoir comment nous sommes faits ! — Oh ! ces estafilades soudaines ! ces plaies brusques ! ces apparitions de blessures qui s’ouvraient sans qu’on aperçût l’instrument du supplice ! Et cette bouche hurlante ! Et tout le sang ! tout le sang !… Je n’ai pas pu rester en face ; je me suis détourné…

C’est alors que j’ai vu tous les autres qui regardaient cela, fascinés, les yeux béants d’horreur… — Mais, dans leur foule statufiée, quelque chose de noir bougea.

C’était le vieux prêtre de Maxime, qui gesticulait pour attirer les regards… Tout le monde l’a regardé alors. Le prêtre faisait de grands signes de croix… Il agitait des bras de bénédiction… La foule des prisonniers s’est agenouillée vers lui… Nos yeux ne quittaient plus ses lèvres qui remuaient avec un air d’éloquence, qui disaient des éloquences, des éloquences que Maxime pouvait seul entendre…

Le vieux prêtre gardait les bras tendus en forme de croix vivante. Et il se mit à tourner sur lui-même, afin que chacun de nous pût contempler le crucifix, au lieu du spectacle épouvantable qui saignait à côté de moi.

Maxime était livide aux pieds du vieux curé. Et je le revoyais, lui, dans son laboratoire de Mirastel, couvert de sang, couvert du sang des animaux dont il voulait savoir comment ils sont faits !… Hélas ! que faisons-nous des bêtes ! Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ?…

§ Cet homme qu’on dépèce vivant… Vivant, donc dans de l’air respirable !… Donc les Sarvants y sont aussi dans l’air respirable !… Donc ils ont des sortes