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les voleurs volants

tinguaient aisément sur la glèbe du champ ; mais, parvenus à la route, ils n’étaient plus visibles, les deux piétons ayant marché sur le revers de gazon.

À n’en croire que leur piste, il se pouvait donc que les Piémontais eussent cheminé de cette façon jusqu’à Culoz et même au delà. Il se pouvait, après tout, qu’ils ne se fussent pas envolés — au cas d’une aberration (probable) de Géruzon — et même qu’ils ne fussent pour rien dans le sac de Culoz. Le reporter prit sur lui d’envoyer par là des émissaires cyclistes, chargés de reconnaitre la position actuelle des Italiens, sans toutefois les inquiéter. Puis, en attendant leur retour, il extirpa Géruzon d’un groupe de campagnards où son récit commençait à devenir trop mirobolant, et lui conseilla de ne point tarder à rédiger son rapport.

Cela fait, il conclut à l’insuffisance de cette littérature.

— « Voulez-vous », demanda-t-il au brigadier, « répondre au petit questionnaire que je vous poserai ? »

Géruzon consentit volontiers à l’interrogatoire du journaliste. Celui-ci sténographia scrupuleusement les demandes et les réponses, et nous lui devons le précieux monument que voilà[1] :

(pièce 76)

D. — À quelle heure avez-vous vu se réveiller les Italiens ?

R. — Sept heures et quelques minutes.

D. — Voyiez-vous très clair ?

R. — Parfaitement clair.

D. — D’après leurs gestes pendant qu’ils se parlaient, quel était, selon vous, le sens de leur conversation ?

R. — Il y en avait un, le grand, le premier debout, qui semblait expliquer un empêchement : « Pas moyen, pas moyen ! » Et il montrait le village. D’après moi, ça voulait dire : « Il n’y a rien à prendre cette nuit, parce qu’on n’a rien laissé dehors. Allons-nous-en autre part. »

D. — Cela n’aurait-il pu signifier : « On ne veut pas nous

  1. Le lecteur voudra bien se souvenir que toutes les pièces documentaires transcrites au cours de cet ouvrage le sont dans leur intégrale exactitude. Cette remarque n’a d’autre but que d’éviter la répétition des termes sic ou textuel après les écarts de langage, ou l’impression en caractères italiques de tous les mots délictueux.