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le péril bleu

semblait-il, que l’homme tout entier finît par s’introduire dans ce petit trou… Virachol éperdu tira son couteau ; il préférait se couper un morceau de panse, plutôt que d’adhérer une minute de plus au suçoir du gigantesque poulpe artificiel…

M. Le Tellier l’en empêcha :

— « Il faut simplement faire entrer de l’air dans cette chambre vide. » Déjà un autre bélier battait la carène sonore. Les gaillards qui le manœuvraient s’étaient passé des câbles autour de la ceinture, et des pompiers, au nombre de cinquante, les retenaient.

Le second bélier partit comme le précédent ; mais aucun homme ne fut ventousé, en dépit du courant d’air qui siffla plus bruyamment qu’un steamer en détresse.

Virachol put se dégager. On l’emporta sans connaissance.

Les grincements avaient cessé.

— « Morts ! » chuchota M. Le Tellier à l’oreille du duc d’Agnès. « Les matelots invisibles sont morts noyés dans l’air. »

— « Alors, il n’y a plus de vide dans le sous-aérien ? »

— « Oh ! oh ! que si. Nous n’avons fait rentrer l’air que dans un seul compartiment ; le coup de sifflet n’a pas assez duré pour qu’on puisse supposer le contraire. Pardieu ! après tout, je vais faire défoncer les couvercles purement et simplement. Le vide nous y aidera. Tant pis pour les dégâts ! J’aurais préféré les ouvrir… »

Autour du couvercle de poupe, six ferronniers athlétiques levèrent ensemble six merlins à long manche, de vint kilogs chacun, et, jaquemarts visibles d’une cloche invisible, commencèrent à frapper l’air retentissant.

Pendant qu’ils martelaient, le duc d’Agnès prit à l’écart M. Le Tellier :

— « Je vais vous paraître stupide… Mais, l’invisibilité ?… Je ne comprends pas encore… Et beaucoup de gens sont logés à la même enseigne, qui n’osent pas l’avouer… Robert Collin avait l’air de trouver tout naturel qu’il existât des mondes invisibles, des êtres invisibles… »