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les voleurs volants

recueilli le plus faible indice de leur présence où que ce fût. Et cette nouvelle acheva de convaincre le journaliste, du moins suffisamment pour que, le lendemain, l’un des grands journaux de Paris étalât cette manchette sensationnelle :

(pièce 81)
LA FAILLITE DES AÉROPLANES
L’AVÈNEMENT DES AVIANTHROPES
LES HOMMES-OISEAUX DU BUGEY

En suite de quoi se trouvait exposée l’interprétation de mystère bugiste par l’existence démontrée d’une équipe de rôdeurs en possession du secret de voler sans ailes. Notre journaliste les nommait pédantesquement des avianthropes aptères. Il gémissait de voir entre les mains de pareils fripons une découverte aussi capitale, ayant pour effet, sans doute, « la diminution du poids corporel, une sorte d’émancipation physique de la matière s’affranchissant de la pesanteur ». Et il terminait sur un tableau poussé au noir de l’effarement des Bugistes, qu’il représentait « sidérés par l’effroi » et se demandant ce qui allait advenir maintenant que les Sarvants, parvenus à Culoz, devaient opter entre les villages riverains du Rhône et les villages semés à la base du Colombier.

Cet article, où perçait vaguement un reste de scepticisme, fut taxé de canard jusqu’à plus ample informé. On exigeait des preuves ; et cela fut cause qu’une nuée de reporters s’abattit sur le Bugey, débarquant à Culoz, ce nœud de voies ferrées, et provenant de Suisse, d’Italie, d’Allemagne et autres nations plus ou moins limitrophes.

Seulement, soit que le voisinage combiné du fleuve et de la montagne fût nécessaire à leurs exploits, soit qu’ils fussent réduits à l’honnêteté par la vigilance de la gendarmerie, soit enfin pour toute autre raison, — les Sarvants cessèrent tout à coup de tenir campagne.