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le péril bleu

chancelière en peau de bique, et la jeta au milieu de la pièce.

— « Voici le griffon Boulet à poils durs », fit-il.

Puis il ouvrit une armoire, et montrant sa machine à écrire :

— « Voici le piano. »

D’un tiroir il sortit sa loupe d’horloger, l’encastra sous son arcade sourcilière droite, et ajouta d’une voix coupante :

— « Voici le monocle. »

Enfin il produisit une photographie qui le représentait dans la posture de son état : l’œil droit à l’oculaire d’une lunette méridienne et l’œil gauche fermé, ainsi qu’il arrive à tous les astronomes pendant leurs observations.

— « Et voici la carabine ou le pistolet », dit-il avec un sifflement irrité. « Quant à la cavalerie, je ne sais ce que vous voulez dire. Il se peut que j’aie les jambes en manches de veste, mais je ne suis jamais monté à cheval. — À présent, mon jeune ami, permettez-moi de vous déclarer que, pour faire le jocrisse, vous avez mal choisi votre heure et votre lieu ; et que, s’il était de tradition de se servir des serins pour tirer des auspices, vous seriez un oiseau de bien mauvais augure. — C’est tout. J’ai dit. »

Garan éclata de rire avec la dernière inconvenance.

Mais à peine M. Le Tellier eut-il vomi ces imprécations sous l’empire de sa colère, qu’il se repentit de l’avoir fait. Tiburce, maintenant, ne cherchait plus à doubler Sherlock Holmes. Verdâtre et penaud, il balbutiait de vagues excuses tremblotantes. Il semblait désolé ; beaucoup plus désolé même que sa déconvenue ne le comportait. Si bien que l’astronome, saisi de pitié, s’empressa d’ajouter :

— « Après tout, on peut se tromper quelquefois… Vous serez plus heureux demain, n’est-ce pas ?… Excusez un mouvement d’humeur. — Allons, messieurs, je vais vous faire conduire à vos chambres. »

Il sonna. Un domestique parut. Mais le duc d’Agnès laissa partir ses deux compagnons.

— « Je voudrais vous parler », dit-il à M. Le Tellier.

» Avant tout, monsieur, pardonnez-moi Tiburce. Voici pourquoi je l’ai amené. Tiburce est resté mon ami depuis