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Préliminaire



Il y a six mois, — c’était exactement le lundi 16 juin 1913 à neuf heures du matin, — je vis entrer dans mon studio la jeune chambrière qui me servait alors. Comme je venais de mettre la première main à la biographie passionnante et véridique de feu Fléchambault, et comme la consigne était de me laisser tranquille, les paroles qui montèrent à mes lèvres furent trois ou quatre blasphèmes de choix. Mais la fille n’en eut point souci et continua d’avancer. Elle portait sur un plateau de laque une carte de visite, et sa figure exultait d’un triomphe si éclatant, qu’elle avait l’air de mimer, avec des accessoires de fortune, la célèbre chorégraphie où Salomé promène sur un plateau d’argent la tête de Iokanaan.

Je l’apostrophai sans bienveillance :

— « Qu’est-ce qui vous prend ? C’est la carte du Père Éternel que vous trimbalez ? — Donnez. — Ah ! mon Dieu ! Pas possible ?!… Faites entrer ! presto ! presto ! »

J’avais lu le nom, la qualité et l’adresse de l’homme illustre parmi les plus illustres, l’homme de 1912, l’homme du Péril Bleu :

JEAN LE TELLIER
Directeur de l’Observatoire
202, boulevard Saint-Germain.