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LE VIGNERON DANS SA VIGNE

Madame Philippe, que le monde les voie fripés.

— Cachez-les sous la couverture, personne ne les verra.

— C’est la mode de les laisser dessus.

— C’est cependant si naturel, quand on a un oreiller, de le mettre sous sa tête !

— On le place sous la tête, dit Philippe, dans le cercueil. Les héritiers laissent toujours un oreiller au mort.

— Mais ils donnent n’importe lequel, dit Madame Philippe. Ils ne sont pas obligés de faire cadeau du meilleur.

Les Philippe couchent sur une paillasse et un lit de plume. Ils ne connaissent pas le matelas. La laine et le crin valent trop cher, et ils ont pour rien la plume de leurs oies.

— J’ai souvent vu, dis-je, sur la route, des oies si déplumées qu’elles faisaient de la peine. Je les croyais malades.

— Elles étaient déplumées exprès, dit Philippe, seulement elles l’étaient trop. Il ne faut pas ôter les plumes qui maintiennent l’aile, sans quoi l’aile pend et fatigue la bête.